Première
demeure - Le « Grenier » - 1857 - 1858
Le soir du 26 avril 1857, Mademoiselle Dauth et sa
compagne sont conduites par Monsieur Mercier à leur future
demeure: c'est sous les combles du troisième étage d'une
maison sise à l'angle des rues
Sanguinet et Sainte-Catherine; une chambre unique de quinze pieds par
douze constituait leur espace vital. L'ameublement est des plus
pauvres: trois lits, cinq paillasses, un poêle, deux tables, une
valise; un petit guéridon où on avait
déposé une statue de la sainte Vierge
et une image de saint Joseph avec l'inscription suivante: « Tu
eris super domum meam », que l'on peut traduire en ces termes:
« Tu es le maître de cette Maison ». Moins d'un an
après la fondation, il faut songer sérieusement à
trouver un autre logement plus commode. Toutefois, ce
n'est pas sans un sentiment pénible que l'on se prépare
à quitter le « grenier », témoin des
premières prières, des premiers travaux, des
premières immolations. Sans doute, elles laissent des amis, mais
elles apportent le souvenir de leurs bienfaits. On part
enfin pour continuer ailleurs le «service d'amour ».
Deuxième
demeure - Rue du Cimetière 1858 - 1865
La pauvreté de la communauté ne facilite pas
la solution du projet d'une future demeure. Avec une confiance toute
filiale, les soeurs se tournent vers saint Joseph par une fervente
neuvaine en son honneur;
celle-ci n'est pas encore terminée que Monsieur Olivier
Berthelet, l'insigne bienfaiteur des communautés religieuses,
offre de les loger gratuitement dans une maison située sur la
rue du Cimetière, aujourd'hui, rue de la Cathédrale.
Cette habitation n'est pas spacieuse
mais avec quelques transformations, elle serait bien
préférable à la mansarde de la rue Sanguinet:
étrange construction, elle a deux étages mais d'une seule
pièce chacun. Un aménagement est donc nécessaire.
La nouvelle situation des soeurs leur permet
de préparer une organisation plus conforme aux exigences d'une
vie communautaire; le travail se fait plus facilement et l'on peut en
faire davantage, leur vie spirituelle en est plus favorisée.
Là, on a vu s'affermir la vie de communauté, et quelques
sujets se joindre au
groupe.
Après
sept ans écoulés dans la joie et la ferveur, un nouvel
exode s'avère nécessaire. Au moment du départ de
cette maison, la Communauté comptait dix membres; elles doivent
quitter des lieux qui leur sont devenus chers, car là
aussi, on a peiné, besogné et reçu l'abondance des
grâces du Seigneur.
Troisième
demeure - L'Hospice Saint-Antoine 1865 - 1877
Vu l'accroissement de la petite
communauté, le logement de la rue de la Cathédrale
devient bientôt trop petit. Monsieur Berthelet a l'oeil ouvert.
Déjà, de concert avec Monsieur Tambareau,
p.s.s., il projette de bâtir une maison en face de la petite
église Saint-Joseph. La proximité de l'église leur
donnerait l'avantage d'assister aux offices publics. Les choses en
étaient là, quand, sous une inspiration ignorée
des soeurs, le
généreux bienfaiteur change tout à coup ses plans.
Le jour de la fête de saint Joseph, le 19 mars 1865, les soeurs
sont en grande liesse après avoir assisté à la
grand-messe et aux vêpres; Monsieur Tambareau leur rend une
courte visite; il est tout
rayonnant de joie; il leur dit que Monsieur Berthelet a pensé
qu'il vaut mieux vous donner la bâtisse de la rue Labelle;
qu'elle est trop petite pour les Frères de la Charité,
mais serait bien pour vous: c'est l'Hospice Saint-Antoine. Vous
voilà propriétaires de la
maison. Les soeurs connaissant la Maison pour l'avoir vue construire
lorsqu'elles demeuraient dans le « grenier », sont
surprises et muettes d'émotion. A ces sentiments, se
succèdent des transports de joie et de reconnaissance. Elles
terminent par des actions de grâces la neuvaine
commencée par des supplications à saint Joseph. Elles ont
imploré sans doute les bénédictions du ciel pour
le bienfaiteur qui leur faisait un don si magnifique.
La
Communauté retourne donc près du lieu de ses origines;
cette maison de trois étages assez vaste et imposante
contrastait sensiblement avec les deux habitations
précédentes. Dans ce quartier, elles ont le bonheur de
fréquenter l'église
où elles allaient chercher force et réconfort dans les
heures difficiles des débuts.
Une
nouvelle directrice est nommée en 1865. Avec l'assentiment de
Monsieur Tambareau, les soeurs désignent Soeur Catherine, l'une
des premières Mères qui avait vu l'oeuvre à ses
débuts. Le choix ne pouvait être plus heureux. Femme
très vertueuse et fidèle à ses obligations, elle
était aussi entreprenante et femme d'action. Durant son mandat,
elle ouvre un atelier de couture pour la confection des soutanes, ce
qui pouvait être un moyen de recrutement. Cette entreprise permit
à plusieurs jeunes
filles de connaître la Communauté et de prendre rang parmi
les membres comme religieuses.
Durant
leur séjour sur la rue Labelle, les soeurs n'avaient pas de
domestiques en permanence. Elles recouraient rarement au service des
femmes de ménage. En 1872, un jeune garçon commence
à se charger des « commissions » quelques jours par
semaine. A l'Hospice
Saint-Antoine, il n'y a pas de système de chauffage à
calorifères, mais seulement des poêles distribués
en différents endroits de la maison. On s'éclaire
à la « lampe à l'huile » qui a
remplacé la chandelle. Cette existence austère
favorise une vie spirituelle intense que les soeurs sont heureuses
d'unir à celle de Jésus. C'est vraiment l'union des
esprits et des coeurs et une belle vie de famille.